Séminaire 2014

M. Pierssens
Université de Montréal

Séminaire Savoirs des femmes

Automne 2014
Les jeudis de 13h à 16h, salle C-3145 Pavillon Lionel-Groulx
Du 11 septembre au 18 décembre

«Vous m’avez prouvé ce que j’aurais volontiers jugé impossible, c’est qu’une jeune fille peut trouver dans les livres des amusements sérieux, tout à fait différents de ceux, si bêtes et si vulgaires, qui remplissent la vie de toutes les femmes.» Baudelaire à Judith Gautier, 9 avril 1864

CALENDRIER DU SÉMINAIRE 2014

Les conférences et communications présentées par les invités au séminaire sont signalées dans la section «Annonces» de ce site.

Objectifs.

Entre 1864 et les années 1880 beaucoup de choses ont changé, et changeront plus encore jusque dans les années 20. L’étonnement réticent et encore misogyne de Baudelaire laissera place à un étonnement bien plus grand devant l’évolution très rapide des mœurs et des représentations, dont la littérature devient dans cette période un enjeu et un moteur majeurs.

Le séminaire s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche (CRSH, 2012-2015) et prend la suite d’un premier séminaire tenu en hiver 2013 dont les travaux sont consultables en ligne sur ce site.

Les travaux du séminaire de cette année porteront encore sur ce que donne à lire le roman français de la période fin-de-siècle, prise au sens large : de 1880 aux premières années 1920, mais aussi sur ce qu’en donnent à voir les arts, des plus élitistes aux plus populaires. Les discours à prétention scientifique (avant tout médicaux et juridiques)  occuperont en outre une place importante dans nos réflexions, de même que les traités de morale et d’éducation. Au centre de l’investigation :  l’interrogation qui porte sur la relation problématique entre «jeune fille» et «jeune femme» et sur la place des savoirs anciens ou nouveaux dans son traitement par la culture et par la société fin-de-siècle.

Ce site web donne l’accès à de très nombreux romans et essais divers ainsi qu’à une importante iconographie. Cette documentation formera notre ressource commune fondamentale. Une bibliographie complète d’ouvrages historiques et théoriques y est également disponible. Les lectures littéraires de référence comporteront en priorité les ouvrages ci-dessous.

Œuvres à lire.

*Livres numérisés disponibles sur le site du groupe de recherche

 

*Edmond de Goncourt, Chérie, 1884

*Paul Adam, Chair molle, 1885

*Paul Hervieu, Flirt, 1890

*Catulle Mendès, La Femme enfant, 1891

*Marcel Prévost, Les demi-vierges, 1894

*Jane de la Vaudère, Les Demi-sexes, 1897

Rachilde, L’heure sexuelle, 1898

*Jean de Tinan, Aimienne ou le détournement de mineure, 1899

*Félicien Champsaur, Lulu, 1900

Colette, L’Ingénue libertine, 1909

Marcel Proust, À l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919

*Victor Margueritte, La Garçonne, 1922

Thèmes à l’étude.

Ci-dessous : quelques-uns des thèmes de recherche qui seront proposés aux participants du séminaire (d’autres thèmes pourront bien sûr être abordés en fonction des intérêts des étudiants).

Les résultats de ces recherches feront l’objet d’une journée d’étude en décembre 2014 rattachée au projet CRSH «Savoirs des femmes».

  • La jeune fille et la littérature : ce qu’on lui fait lire, ce qu’elle lit vraiment, comment on la représente en lectrice (dans le roman comme dans la peinture et l’illustration).
    La question de la lecture est particulièrement sensible pendant toute la période et met en cause très radicalement l’imaginaire féminin et du féminin en touchant l’éducation, la morale, la politique, l’édition, etc.
  • Le flirt : la découverte de cette pratique importée des États-Unis en France au XIXe s.  (son histoire est en fait plus complexe) a des répercussions considérables dans les comportements et dans toutes les formes d’art, de la littérature populaire ou élitiste  (roman, poésie, théâtre) à la peinture, de la musique à l’illustration populaire, avec  des échos constants dans les médias de l’époque (journaux, revues, magazines, photographie, puis cinéma). Savoir se conduire «convenablement» devient problématique.
    Le flirt (pratiqué ou rencontré dans les romans, etc.) permet aux jeunes filles de faire un apprentissage de l’autre (homme ou femme) dans des conditions dont une abondante littérature dénonce les dangers tout en en peignant les séductions.
  • L’éducation : un vaste mouvement pour l’éducation des filles prend forme au XIXe s. et suscite, non sans de nombreux remous sociaux et politiques, l’apparition de formations spécifiques dans des institutions d’un genre nouveau, en attendant le développement plus tardif et très timide de la mixité. Qu’est-ce que la littérature et les représentations visuelles communiquent aux jeunes filles à ce propos?
  • La jeune fille et le droit : le statut juridique des femmes aux différents âges de la vie et dans les différentes situations sociales constitue un système de formatage des rôles extrêmement contraignant. Une grande partie de la littérature de la période considérée (roman et théâtre) bâtit ses scénarios sur des dispositifs de mise en crise de ces rôles en présentant des modèles d’acceptation ou, au contraire, de révolte.
  • La jeune fille et son corps : le XIXe s. voit se développer l’hygiénisme mais aussi une «médecine des femmes», délicate d’application à une époque où les femmes ne peuvent pas devenir médecins (elles y sont autorisées à partir de 1868 mais resteront longtemps rares dans ce rôle).
    Le rapport au corps implique la question de la place occupée en société par une jeune fille/femme (posture, gestuelle, voix, etc.), dans l’espace public (sous quelles figures, quels visages apparaître en public?), le rapport à la sexualité, à l’Autre, aux diktats concernant notamment le corps féminin et la beauté. Le monstrueux et l’abject de certains corps féminins imprègnent l’imaginaire des XIXe/XXe siècles.

La gynécologie et l’obstétrique ont par ailleurs une histoire longue et complexe depuis l’Antiquité mais qui connaît de très importants développements au XIXe siècle. L’information des jeunes filles et des femmes reste néanmoins extrêmement limitée et allusive, comme pour tout ce qui touche à la sexualité. La littérature romanesque en traite de manière très détournée (sauf dans les curiosa et le roman «libre») mais constitue une source d’information pour les  lectrices. La question de l’avortement et de ses incidences culturelles (le type de «la faiseuse d’anges»), abordée dans certains romans, demanderait entre autres une étude à part.

  • La jeune fille, la  jeune femme et la mode: ce que ses vêtements savent d’elle, ce qu’elle doit savoir d’elle-même pour s’habiller et faire savoir ce qu’elle est.
    La période connaît un développement considérable des magazines de mode, largement responsables de la construction des images de la jeune fille qui doit apprendre à se regarder afin de se donner à voir alors que son identité est en transition. Bijoux et parfums font partie de ses accessoires lourdement chargés de sens et dont de multiples manuels et guides prétendent lui enseigner la maîtrise. La littérature romanesque relaie massivement cette pédagogie intéressée.
  • La jeune fille imaginaire : une énorme production d’images prend pour objet la jeune fille et la jeune femme, tantôt pour leur offrir des modèles à imiter, tantôt pour jouer de leur statut incertain de manière équivoque. De l’image pieuse à la photographie pornographique, la gamme est d’une variété considérable et renvoie celles qui en sont l’objet à des dilemmes insolubles touchant la construction des identités.
  • La jeune fille s’écrit : les journaux intimes, les correspondances et les récits auto(bio)graphiques peuvent constituer une source importante d’information sur les savoirs que s’approprient (plus ou moins bien) ou désirent s’approprier les jeunes femmes. La place de la lecture dans ce processus, celle en particulier des romans, méritera un examen approfondi. Il pourrait se faire en parallèle avec l’étude de la pratique de l’autoportrait (écrit mais pas seulement, la formation au dessin étant un élément essentiel de l’éducation de la jeune fille au XIXe s.).
  • Femme et folie : la littérature fin-de-siècle présente très souvent des personnages de jeunes filles ou de femmes «dérangées», en parcourant une vaste gamme qui va de l’excentricité à la folie. Ces thèmes ne sont pas que littéraires : la psychiatrie se préoccupe intensément des psychopathologies spécifiquement féminines. Il est possible d’étudier la corrélation très étroites des deux approches de la folie féminine : littéraire et médicale.

Évaluation.

Une présentation orale avec débat au cours du séminaire (30%). Un travail final pouvant donner lieu à une publication ou à une communication (70%).

 

 

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